Décès d’une grande dame : Discours prononcé lors des obsèques de Madeleine FERDONNET

Madeleine FERDONNET nous a quittés !

A 102 ans, Madeleine Ferdonnet vient de nous quitter.

Madeleine Ferdonnet était la fille des résistants Pierre et Jane Boiteau, arrêtés le 23 novembre 1943 par la Gestapo et déportés. Jane Boiteau reviendra des camps mais son mari mourra à Buchenwald en 1944. Madeleine restera à jamais marquée par ces évènements, elle en parlera toujours avec tendresse et émotion.

Madeleine était aussi l’épouse de Pierre Ferdonnet, résistant et déporté, qu’elle rencontre lorsqu’il revient lui aussi de déportation. Ils se marient le 30 avril 1946. De cette union sont nées trois filles : Annie, Françoise et Claudine que suivront de nombreux petits-enfants, arrière-petits-enfants et arrière-arrière-petits-enfants.

Arrivés à Bourges, Rue Jean Bart, Madeleine rentre aux Ets Militaires en qualité de technicienne chimiste.

Tous deux, communistes, sont des combattants pour la justice, les droits, la liberté, le respect de la personne humaine, la paix, l’indépendance de la France …

Tous deux auront consacré leur vie à résister d’une autre façon dans un combat plus pacifique en perpétuant la mémoire. Ils interviennent régulièrement en milieu scolaire pour rappeler à une jeunesse attentive, ce que fut cette période de la guerre 39-45, de la résistance et de la déportation. Leur mot d’ordre : « Ni haine, ni oubli ». Madeleine disait encore en 2013, année du décès de Pierre : « C’est important de transmettre la mémoire, la résistance et la déportation, que des hommes et des femmes n’ont pas hésité à se défendre contre l’occupant en risquant leur vie. »

Jusqu’à ses derniers moments, cette transmission sera restée son engagement, sa mission. Et je me rappelle avec émotion combien sa ténacité et sa clairvoyance pouvaient éclairer les réunions et initiatives de notre parti auxquelles elle a participé très longtemps.

Elle aimait aussi à rappeler, qu’après la seconde guerre mondiale, la France était exsangue, qu’il avait fallu tout reconstruire, les infrastructures routières, ferroviaires, les usines, les hôpitaux, les écoles, etc… Et que ces acquis issus du Conseil National de la Résistance devaient être défendus comme devait être combattues les résurgences du fascisme et de l’extrême droite ces dernières décennies.

Aujourd’hui, les communistes de Bourges et du Cher sont dans la peine. En ce 80ème anniversaire de la Libération de Bourges et du Cher, ils n’oublieront pas Madeleine Ferdonnet, son engagement pour que se pérennise la mémoire de la Résistance et de la Déportation.

Jean-Michel GUERINEAU
Secrétaire de la Fédération PCF du Cher

Témoignage de Madeleine dans ce films « Paroles de déportés et résistants du Cher »

BOURGES : Fédération du PCF -Commémoration du 80ème anniversaire de la Libération

Mesdames, Messieurs, chers amis, chers camarades,

Il y a 80 ans, durant l’été 1944, la France se libérait de 4 années d’occupation nazie. Au printemps suivant, le 8 mai 1945, l’Allemagne hitlérienne capitulait et l’Europe sortait enfin du cauchemar et de la barbarie. 

Les déportés survivants des camps de la mort, les prisonniers de guerre, les requis du STO pouvaient rentrer en France. Une France meurtrie par les sacrifices imposés par les occupants et les traîtres à son service,

Mais une France qui avait renoué avec la démocratie et la République, une France qui avait retrouvé sa souveraineté et son indépendance, une France redevenue un pays libre.

Cette France retrouvée, cette Europe libérée de l’oppression, nous les devons à toutes celles et tous ceux qui se sont sacrifiés : aux soldats soviétiques, américains, anglais, canadiens, aux patriotes français qui ont répondu à l’appel du général De Gaulle, mais aussi à celui des dirigeants communistes comme Charles Tillon le 17 juin 1940, ou encore Maurice Thorez et Jacques Duclos le 10 juillet de la même année. Nous le devons à celles et ceux qui ont constitué les Forces Françaises Libres et à celles et ceux qui ont participé à la Résistance sur le sol national.

Dans le Cher, ils ont payé un lourd tribut : 200 fusillés, 699 déportés dont 11 femmes et 46 enfants, 420 d’entre eux, ne sont pas revenus !

Parmi ces fusillés, ces déportés, parmi ceux qui sont tombés dans les combats de la Libération, nombreux étaient communistes. C’est ainsi que le PCF est devenu le parti des fusillés.

Parmi ces résistants, il y avait : Marcel et René Cherrier, Roland Champenier, Georges Rousseau, Léo Mérigot, Suzanne Labertonnière, Angèle Chevrin, Louis Chevrin, Zélia Duchesne, Julien Giraud, André Giraudon, Louis Buvat, Albert Kaiser, Gabriel Dordain, Louis Gatignon, Raymonde et Louis Lamodière, Romain Bardin, André Laloue, Pierre Ferdonnet, Fernand Micouraud, Henry Diaz ainsi que le regretté Maurice Renaudat qui nous as quitté il y a 1an,

Beaucoup, beaucoup d’autres sont sur la plaque devant vous.

Ils se sont levés contre le fascisme, la barbarie nazie, pour la liberté de notre peuple et lui permettre de construire un monde plus juste, plus humain, plus fraternel.

Les communistes ont été au premier rang des combattants de la liberté, ce que François Mauriac a traduit par ces mots : « La classe ouvrière, seule dans sa masse, est restée fidèle à la France profanée ».

Citons aussi cette phrase du général de Gaulle qui, recevant à la Libération une délégation du patronat français déclara : « Messieurs, je n’ai rencontré aucun d’entre vous à Londres ».

Au-delà de l’hommage que nous devons rendre aujourd’hui à toutes celles et tous ceux qui ont combattu le nazisme – quelles que soient leur préférence philosophique ou politique ou religieuse- il nous revient à nous communistes d’aujourd’hui de rappeler ce rôle essentiel tenu par les communistes français pour redonner ses couleurs à la France.

Certes, la légende est tenace qui veut que les communistes ne soient entrés en résistance qu’après l’entrée en guerre de l’Union Soviétique. C’est une injure à tous ces communistes arrêtés, emprisonnés, fusillés pour certains, dès 1940, pour actes de résistance. C’est confirmé en décembre 40 par le préfet du Cher qui déclara que « le PCF dans le Cher est la seule organisation politique faisant preuve d’une activité qui ne soit pas individuelle et isolée ».

Aujourd’hui en 2024, Les idées fascistes ne cessent de progresser partout dans notre pays et dans le monde, nous avons pu le voir cet été avec un record de députes rassemblement national élus, passant de 8 députés en 2017 à 126 aujourd’hui soit 16 fois plus qu’il y à 7ans, cependant Emmanuel macron se vente toujours d’être le dernier rempart face à l’extrême droite.

Mais au-delà de notre pays c’est partout dans le monde que le fascisme progresse, Pays-Bas, Argentine, Italie, Pologne et encore récemment en Allemagne, pays ou les habitants ont une mémoire courte face a ce que nous commémorons aujourd’hui.

Partout dans le monde et surtout au moyen orient comme nous pouvons en constater actuellement avec le funeste projet de Netanyahu.

N’oublions jamais que c’est à cette période qu’a été créé que le Conseil National de la Résistance le 27 mai 1943 sous la présidence de Jean Moulin. Les communistes se sont battus comme d’autres, avec d’autres, pour l’union de la Résistance. La création du CNR symbolisait au-delà, avec l’établissement d’un programme économique, social et politique pour jeter les bases d’une société nouvelle, plus juste, plus solidaire et préparer « les jours heureux ».

La création de la sécurité sociale, une retraite décente, la création d’entreprises publiques performantes, le renforcement des droits des salariés dans l’entreprise, la possibilité donnée à tous les enfants d’accéder au savoir et à la culture quelque soit la situation de fortune des parents, etc… figurent au programme du CNR. 

Tout cela a été possible dans un pays exsangue et on vient nous expliquer aujourd’hui que, dans un pays et un monde plus riches que jamais, nous aurions moins de moyens pour nous soigner, qu’il faudrait travailler plus longtemps, cotiser plus et avec un salaire bloqué voire diminué, que nous n’aurions plus les moyens d’avoir des services publics, qu’il faudrait faire voler en éclat les protections collectives et le code du travail !

Denis Kessler, alors vice président du Medef ne déclarait-il pas le 4 octobre 2007 dans la revue « Challenge » :

« Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie.

Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »

Le Président de la République annonce la fin de l’abondance mais pour qui ? Toujours pour les même, celles et ceux qui ne connaissent pas l’abondance justement, qui ont du mal à boucler les fins de mois alors que dans le même temps le patrimoine des 500 plus grandes fortunes de France s’envolent. En 2014, ces 500 fortunes totalisaient un patrimoine de 390 milliards d’euros. Elles se plaignaient alors de payer trop d’impôts. Lorsque le président Macron arrive à l’Élysée, en 2017, ce patrimoine s’élèvait à 570 milliards, soit 46 % de plus. Mais après 7 ans de présidence Macron, ce chiffre a encore augmenté de 75 %, dépassant les 1 000 milliards d’euros. C’est à cette abondance là qu’il faut mettre fin pour augmenter les salaires et investir dans les services publics.

La mise à bas de tous ces acquis de la Résistance mais aussi ceux du Front Populaire sonne comme une insulte à l’égard de celles et ceux qui ont redonné sa liberté à la France, à celles et ceux qui l’ont reconstruite.

Face à cette entreprise de démolition, nous sommes de ceux qui veulent continuer à porter les messages de la Résistance. Et aujourd’hui, la question fondamentale est bien celle de la répartition des richesses et de leur utilisation. C’est la question clef !

Cette honte de l’insolent enrichissement de quelques-uns face à la détresse et aux difficultés du plus grand nombre, cela doit cesser. Ce déséquilibre par la violence sociale faite aux femmes et aux hommes génère frustrations et violence et met en danger la démocratie. Le choix à faire aujourd’hui, c’est d’avoir la volonté de se donner les moyens d’inverser l’ordre des priorités et des valeurs. 

Ce ne sont pas les salaires et la protection sociales qui sont un coût mais le capital qu’il convient de faire cotiser pour financer les mesures nécessaires pour combattre la crise.

Utopie me direz-vous? Peut-être, mais pas davantage qu’il y a 80 ans quand au cœur de la nuit la plus noire, certains se sont efforcés de faire vivre la flamme de l’espoir, de la dignité, de la libération et de la construction d’un monde meilleur.

Alors oui, il faut sans doute avoir un peu de courage et d’audace aujourd’hui pour affronter la mondialisation capitaliste, pour affronter ces prétendues idées et mesures modernes qui ne sont que l’expression d’une volonté de revanche d’une classe sociale qui s’est vautrée dans la collaboration avec l’occupant nazi.

Nous appelons les salariés à intervenir partout dans le pays, pour d’autres choix que ceux imposés par les actionnaires des grands groupes. 

Nous appelons les communistes, les militants et les élus à investir les luttes et à mettre en débat des propositions offensives, pour sécuriser l’emploi et la formation, pour augmenter les salaires et les pensions, pour exiger des embauches là où les besoins ne sont pas satisfaits.

A l’échelle européenne et internationale, nous nous battons pour une nouvelle conception de la mondialisation.

Certes, la France n’est plus occupée par une armée étrangère mais la crise sanitaire a montré qu’elle avait perdu beaucoup de sa souveraineté économique et industrielle.

Nous voulons toujours une politique véritablement de gauche faite par et pour le peuple !

Face à ce qui est un authentique défi de civilisation, le communisme est toujours ce « mouvement de l’immense majorité au profit de l’immense majorité » que décrivaient Marx et Engels dans leur célèbre Manifeste.

Nous défendons un projet de transformation sociale qui change la vie des gens, répartisse autrement les richesses et protège la planète.

Fidèles à ceux que nous honorons aujourd’hui, nous nous battons pour les jours heureux.

Hugo FOUGERE
Le 9 septembre 2024

80ème anniversaire de la libération de Bourges par   Jean-Claude SANDRIER

Discours du 80ème anniversaire de la libération de Bourges par   Jean-Claude SANDRIER  Député PCF Honoraire le 6 septembre 2024.

6 septembre 1944  Libération de Bourges.

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire de Bourges,
Monsieur le Président du Conseil départemental du Cher,
Mesdames, Messieurs,

Il est environ 11h30 ce 6 juin 1944 lorsque 2 jeeps du 4e bataillon de parachutistes des SAS Français entrent dans Bourges et foncent vers la préfecture. Une demi-heure plus tard le commandant COLOMB, chef des FFI du Cher, arrive avec une section du maquis de MENETOU/SALON.

Il est 14h quand déferlent rue Moyenne, venus par toutes les entrées de la ville : le 1er RI du colonel BERTRAND du Cher-Sud, les FFI du Cher-Est du capitaine DURET et les FTPF du colonel HUBERT. Ce sont plusieurs centaines de résistants qui viennent de libérer Bourges où restaient quelques dizaines d’allemands vite capturés par des détachements FTPF et FFI du capitaine « ROBIN ».

Après 4 années d’occupation nazie, de privations, d’humiliations, de répressions, de tortures, d’exécutions, de déportations des juifs et de résistants, plus de 1000 dans le Cher, Bourges est libérée.

 Peut-on imaginer la liesse qui s’empare alors de la ville, son pavoisement, l’immense reconnaissance manifestée aux résistants qui ont pris tous les risques, y compris celui de leur vie, pour libérer leur pays !

Jamais, je pense, nous mesurerons complétement ce que nous leur devons.

Au moment où ils sont presque tous disparus notre devoir est de ne pas les oublier.

 Pire que l’oubli serait de déformer leur histoire. Ce serait trahir ce pour quoi ils se sont battus.

La tentation existe pour quelques-uns de minimiser le rôle de la Résistance. Le général De Gaulle, à l’époque, s’est plaint de cette attitude, lui qui a dit que la Résistance avait été une « flamme » dans cette nuit de l’abandon, de la trahison et de la collaboration.

Ce n’est pas rien qu’elle ait pu représenter cet espoir de liberté et de dignité ; plus encore, permettre que le gouvernement provisoire du Général De Gaulle soit reconnu, que la France soit acceptée à la table des nations alliées victorieuses.

Le Général américain EISENHOWER, commandant en chef des forces alliées en Europe, reconnait cette contribution quand il dit que le rôle de la Résistance a été « décisif » pour la réussite du débarquement en Normandie, évaluant à 15 divisions l’apport des forces de la Résistance.

Enfin c’est le Général allemand ELSTER, et sa colonne de 18 000 hommes traversant le Cher, contraint de se rendre en déclarant : « Comment pourrais-je commander cette colonne harcelé de tous côtés et de façon incessante par les maquis ? »

Le Cher tout entier a été libéré par les forces de la Résistance rassemblées.

Un rassemblement de forces et de mouvements aux opinions différentes : gaullistes, communistes, socialistes, radicaux, « ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas »

La République aura mis 80 ans à le reconnaitre définitivement avec l’entrée au Panthéon, le 21 février dernier, de Missak et Mélinée MANOUCHIAN, faisant dire au président de la République : « L’ordre de la nuit est désormais complet. »

Parfois des personnes nous disent : « Mais pourquoi revenir sur cette seconde guerre mondiale, sur ce combat contre le nazisme, c’est du passé. »

Non, ce n’est pas du passé. Lorsque nous parlons d’eux, nous parlons d’hier sans doute, mais nous parlons aussi et surtout du présent et de l’avenir.

Pierre BROSSOLETTE, grand résistant, qui est entré au Panthéon en 2015, nous demandait « de ne pas simplement conserver les cendres, mais être un flambeau ».

Ce flambeau c’est dire ce qu’ils ont fait, bien sûr, c’est surtout dire ce pour quoi ils l’ont fait.

Ils l’ont fait pour notre liberté, ils l’ont fait pour combattre une idéologie basée sur le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’étranger. Une idéologie qui est toujours une des plaies de notre société et qu’il faut continuer de combattre. Enfin ils l’ont fait pour que vive la solidarité et le respect qui sont les autres conditions de la Paix.

Wladimir JANKELEVITCH, éminent philosophe, résistant, originaire de Bourges, nous invitait à « ne pas les faire parler, mais se demander ce qu’ils penseraient de l’usage de la liberté qu’ils nous ont permis de retrouver ». On peut ajouter de l’usage que nous avons fait de ce que nous a légué le programme du CNR, initié par Jean MOULIN, dont l’une des particularités est d’avoir lié : union de la résistance,  conditions de la libération de la France avec un programme social d’une exceptionnelle ambition, dont il faut absolument préserver ce qui nous en reste encore.

Mesdames, messieurs, nous avons la chance d’avoir dans ce département, à Bourges, un des dix plus beaux musées de la résistance et de la déportation de notre pays. Nous le devons à deux hommes : Maurice RENAUDAT, ancien résistant, qui a émis l’idée d’un musée unique et Alain RAFESTHAIN qui, en tant que président du conseil général, en décida la réalisation.

Lieu de mémoire, d’information, de réflexion, il est un véritable centre de culture et de pédagogie, animé par une équipe d’une haute compétence sous l’autorité du conseil départemental. Il est ouvert à tous et gratuitement.

  Monsieur le Maire et Monsieur le Président, avec les associations de mémoire nous vous remercions pour l’organisation de ces 3 jours de commémoration en l’honneur de nos libérateurs.

 Je voudrais conclure ce propos par une phrase de Victor HUGO, elle s’adresse à toute la jeunesse du monde :

« L’avenir est une porte, le passé en est la clé. »