Discours du 80ème anniversaire de la libération de Bourges par Jean-Claude SANDRIER Député PCF Honoraire le 6 septembre 2024.
6 septembre 1944 Libération de Bourges.
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire de Bourges,
Monsieur le Président du Conseil départemental du Cher,
Mesdames, Messieurs,
Il est environ 11h30 ce 6 juin 1944 lorsque 2 jeeps du 4e bataillon de parachutistes des SAS Français entrent dans Bourges et foncent vers la préfecture. Une demi-heure plus tard le commandant COLOMB, chef des FFI du Cher, arrive avec une section du maquis de MENETOU/SALON.
Il est 14h quand déferlent rue Moyenne, venus par toutes les entrées de la ville : le 1er RI du colonel BERTRAND du Cher-Sud, les FFI du Cher-Est du capitaine DURET et les FTPF du colonel HUBERT. Ce sont plusieurs centaines de résistants qui viennent de libérer Bourges où restaient quelques dizaines d’allemands vite capturés par des détachements FTPF et FFI du capitaine « ROBIN ».
Après 4 années d’occupation nazie, de privations, d’humiliations, de répressions, de tortures, d’exécutions, de déportations des juifs et de résistants, plus de 1000 dans le Cher, Bourges est libérée.
Peut-on imaginer la liesse qui s’empare alors de la ville, son pavoisement, l’immense reconnaissance manifestée aux résistants qui ont pris tous les risques, y compris celui de leur vie, pour libérer leur pays !
Jamais, je pense, nous mesurerons complétement ce que nous leur devons.
Au moment où ils sont presque tous disparus notre devoir est de ne pas les oublier.
Pire que l’oubli serait de déformer leur histoire. Ce serait trahir ce pour quoi ils se sont battus.
La tentation existe pour quelques-uns de minimiser le rôle de la Résistance. Le général De Gaulle, à l’époque, s’est plaint de cette attitude, lui qui a dit que la Résistance avait été une « flamme » dans cette nuit de l’abandon, de la trahison et de la collaboration.
Ce n’est pas rien qu’elle ait pu représenter cet espoir de liberté et de dignité ; plus encore, permettre que le gouvernement provisoire du Général De Gaulle soit reconnu, que la France soit acceptée à la table des nations alliées victorieuses.
Le Général américain EISENHOWER, commandant en chef des forces alliées en Europe, reconnait cette contribution quand il dit que le rôle de la Résistance a été « décisif » pour la réussite du débarquement en Normandie, évaluant à 15 divisions l’apport des forces de la Résistance.
Enfin c’est le Général allemand ELSTER, et sa colonne de 18 000 hommes traversant le Cher, contraint de se rendre en déclarant : « Comment pourrais-je commander cette colonne harcelé de tous côtés et de façon incessante par les maquis ? »
Le Cher tout entier a été libéré par les forces de la Résistance rassemblées.
Un rassemblement de forces et de mouvements aux opinions différentes : gaullistes, communistes, socialistes, radicaux, « ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas »
La République aura mis 80 ans à le reconnaitre définitivement avec l’entrée au Panthéon, le 21 février dernier, de Missak et Mélinée MANOUCHIAN, faisant dire au président de la République : « L’ordre de la nuit est désormais complet. »
Parfois des personnes nous disent : « Mais pourquoi revenir sur cette seconde guerre mondiale, sur ce combat contre le nazisme, c’est du passé. »
Non, ce n’est pas du passé. Lorsque nous parlons d’eux, nous parlons d’hier sans doute, mais nous parlons aussi et surtout du présent et de l’avenir.
Pierre BROSSOLETTE, grand résistant, qui est entré au Panthéon en 2015, nous demandait « de ne pas simplement conserver les cendres, mais être un flambeau ».
Ce flambeau c’est dire ce qu’ils ont fait, bien sûr, c’est surtout dire ce pour quoi ils l’ont fait.
Ils l’ont fait pour notre liberté, ils l’ont fait pour combattre une idéologie basée sur le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’étranger. Une idéologie qui est toujours une des plaies de notre société et qu’il faut continuer de combattre. Enfin ils l’ont fait pour que vive la solidarité et le respect qui sont les autres conditions de la Paix.
Wladimir JANKELEVITCH, éminent philosophe, résistant, originaire de Bourges, nous invitait à « ne pas les faire parler, mais se demander ce qu’ils penseraient de l’usage de la liberté qu’ils nous ont permis de retrouver ». On peut ajouter de l’usage que nous avons fait de ce que nous a légué le programme du CNR, initié par Jean MOULIN, dont l’une des particularités est d’avoir lié : union de la résistance, conditions de la libération de la France avec un programme social d’une exceptionnelle ambition, dont il faut absolument préserver ce qui nous en reste encore.
Mesdames, messieurs, nous avons la chance d’avoir dans ce département, à Bourges, un des dix plus beaux musées de la résistance et de la déportation de notre pays. Nous le devons à deux hommes : Maurice RENAUDAT, ancien résistant, qui a émis l’idée d’un musée unique et Alain RAFESTHAIN qui, en tant que président du conseil général, en décida la réalisation.
Lieu de mémoire, d’information, de réflexion, il est un véritable centre de culture et de pédagogie, animé par une équipe d’une haute compétence sous l’autorité du conseil départemental. Il est ouvert à tous et gratuitement.
Monsieur le Maire et Monsieur le Président, avec les associations de mémoire nous vous remercions pour l’organisation de ces 3 jours de commémoration en l’honneur de nos libérateurs.
Je voudrais conclure ce propos par une phrase de Victor HUGO, elle s’adresse à toute la jeunesse du monde :
« L’avenir est une porte, le passé en est la clé. »